CfP: "Féminisation de la chanson?" (Strasbourg, 29.-30.06.2022)

CfP: "Féminisation de la chanson? Approches théoriques et empiriques (2000-2022)"

Université de Strasbourg

29.-30.06.2022

Deadline: 31.01.2022

Depuis le tournant du 21e siècle, l’essor, la visibilité et le succès des femmes dans les musiques populaires en France ont trouvé leur pendant universitaire dans l’éclosion des travaux sur la place des femmes et les représentations du genre et de la sexualité en chanson (Prévost-Thomas, Ravet et Rudent 2005 ; Prévost-Thomas et Ravet 2007 ; Pénet 2007 ; Hirschi 2017 ; Chaudier 2018 ; Pruvost 2018 ; Deniot 2019, entre autres). De façon plus ou moins directe, ces publications rejoignent la recherche internationale sur le féminisme, le genre, et les identités queer dans la littérature, le cinéma, et, bien-sûr, dans la popular music anglophone (Frith et McRobbie 1990 ; McClary 1991 ; O’Brien 1995 ; Whiteley 1997, 2000 et 2006 ; Brett et al. 2006 ; Jarman-Ivens 2007 et 2011, parmi beaucoup d’autres). Partant d’une conception pragmatique de la notion de genre, défini comme outil d’analyse des rapports de pouvoir entre les pôles du féminin et du masculin propres aux sociétés patriarcales (Octobre 2014), ces journées d’étude souhaitent revenir sur la profusion de talents féminins dans la chanson d’expression française et discuter des changements esthétiques et sociaux qu’elle accompagne, promeut et représente. Ce que nous appelons la féminisation de la musique populaire en France servira de point de départ pour explorer les rapports actuels entre les genres humains, qu’ils soient masculins, féminins ou autres, et les genres musicaux.  

              Cette exploration est nécessaire à l’heure où, dans le milieu des musiques populaires françaises, les femmes ne sont plus rares ni cantonnées au statut subalterne de « simple » chanteuse. Souvent parolières et compositrices, elles déploient également des féminités extrêmement diverses sur les plans esthétique et idéologique, qu’il s’agisse de l’électro pop non-binaire et dansante de Chris(tine and the Queens) ou Jeanne Added, de l’éclectisme introspectif de Charlotte Gainsbourg, du R’n’B démonstratif d’Aya Nakamura, de la pop joyeuse de Clara Luciani, de la nudité noire dans le Y-trap d’Yseult, la chanson plus classique et ironique de Jeanne Cherhal, le rap lesbien de Lala &CE ou Aloïse Sauvage, le maloya traumatique d’Ann O’aro, ou encore le trap soul de la chanteuse trans Dian. Toutes, et bien d’autres encore, questionnent l’androcentrisme et le sexisme qui ont traditionnellement dominé le champ musical français, et saisissent à bras le corps, souvent littéralement, les questions liées à la politique des genres ainsi que les revendications féministes et LGTBQ+ – ces sujets étant exacerbés en France par les controverses autour du mariage pour tous, de la gestation pour autrui, de #MeToo et #BalanceTonPorc, ou encore de l’écriture inclusive. Ce faisant, ces artistes reçoivent souvent le soutien de leurs homologues masculins, eux-mêmes fascinés par l’éclatement des genres traditionnels (Eddy de Pretto, Hervé, Emmanuel Moire, pour n’en citer que quelques-uns). Ensemble et par leur succès cumulé, ces artistes montrent aussi que les remises en cause du genre et de la sexualité en France sont aujourd’hui plus près du consensus social que des minorités militantes de leurs débuts. 

              Ces journées d’étude souhaitent promouvoir la réflexion sur cette nouvelle configuration des musiques populaires françaises en analysant les rôles, inédits ou non, des chanteuses, parolières, compositrices, musiciennes, DJs et autres productrices au cours des vingt dernières années, ainsi que la manière dont les artistes masculins recentrent, ou non, leur propre pratique artistique face à cette évolution. 

              De manière non-exhaustive, nous invitons des propositions sur les axes de réflexion suivants, référées à la période 2000-2022 et à toutes les musiques populaires, des plus commerciales au plus confidentielles, de France et du monde francophone :   

  • Dans quelle mesure peut-on réellement parler de féminisation de la musique populaire française et francophone ? S’agit-il d’un phénomène avéré ou d’une impression sans base empirique ?

  • Dans quelle mesure le modèle de l’auteur-compositeur-interprète (ACI), traditionnellement masculin, est-il toujours dominant, légitime ou valorisant ?

  • Dans quelle mesure la féminisation des métiers de la musique se limite-t-elle à certains genres musicaux et publics particuliers ? Dans quelle mesure le genre des genres musicaux a-t-il évolué ?

  • Comment les artistes (hommes, femmes ou non-binaires), font-ils évoluer les représentations de genre et de sexe dans la scène musicale francophone ?

  • Dans quelle mesure la société française, telle qu’elle produit des artistes et est représentée par eux/elles, est-elle devenue plus féminine, plus féministe et/ou plus queer ?

  • Comment les structures de production et de diffusion de la musique répondent-elles au défi du genre et du transgenre aujourd’hui ?

  • Comment les représentations traditionnelles de genre s’expriment-elles en chanson (hétérosexualité, maternité, virilité, féminité…) ?

  • Comment la nouvelle génération de chanteurs et chanteuses représentent-ils/elles leur corps, leur sexualité, leur genre, et les tensions entre ces termes, dans leur pratique musicale ? De quels pionniers et pionnières dans l’éclatement des genres, autant humains que musicaux, les artistes actuel.les se réclament-t-ils/elles ?

  • Dans quelle mesure la réflexion sur le genre en chanson se situe-t-elle à l’intersection d’autres déclarations identitaires sur (par exemple) la race, la classe sociale, le handicap, et remet-elle en cause la tradition blanche et patriarcale de la société française ?

  • Dans quelle mesure la visibilité des identités LGBTQ+ constitue-t-elle une aubaine commerciale pour l’industrie musicale, et/ou un vecteur d’émancipation ?

  • Dans quelle mesure les artistes français.e.s et francophones ont-ils/elles une approche spécifiquement ‘française’ de la problématique du genre – y compris peut-être dans leur indifférence à, ou leur rejet de, cette notion ?

  • Dans quelle mesure les controverses récentes liées aux féminismes (parité, intersectionnalités, #MeToo) ont-elles eu un impact sur les artistes et l’industrie musicale en France ?

  • Quelles perspectives pour la recherche surgissent à partir du dialogue entre féminismes, études de genre et Popular Music Studies ?

    Du point de vue méthodologique, les approches interdisciplinaires seront privilégiées. Les propositions pourront porter sur des études de cas ou proposer des réflexions d’ordre théorique ou méthodologique.

    Les propositions de 400 mots maximum, accompagnées d’une brève présentation de l’auteur.e indiquant son rattachement universitaire, devront être adressées avant le 31 janvier 2022 aux deux adresses suivantes : imarc @ ucm.es et barbara.lebrun @ manchester.ac.uk.

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CFP, NewsHelene Heuser